CIO Mistissini Interview

Parlez-nous un peu de vous. Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a amené à vous impliquer auprès de La Grande Alliance (LGA)?

Je suis entrepreneur, et j’ai ma propre entreprise d’entretien des routes et de construction. Lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé, tous les contrats ont été mis en pause. Quand j’ai vu l’offre d’emploi pour LGA, j’ai sauté sur l’occasion. À ce jour, ça a été une expérience fantastique.

Qu’avez-vous appris depuis le début de votre implication dans le projet?

La leçon la plus importante que nous ayons tirée, c’est d’être entièrement transparents et de nous assurer que tout le monde comprend qu’il n’y a pas d’intentions cachées. C’est la première fois que notre nation est appelée à participer à un projet d’une telle ampleur, à un stade aussi précoce. Par le passé, on nous a toujours dit : « Maintenant que toutes les études ont été réalisées, nous allons commencer les travaux dans deux mois ». Mais aujourd’hui, nous pouvons consulter les plans, les préparatifs et les études avant que les dirigeants cris donnent leur feu vert à quoi que ce soit.

Comment Eeyou Istchee a-t-il évolué de votre vivant?

Avant, nous roulions sur des routes de gravier. Aujourd’hui, nous avons des routes asphaltées et une administration plus structurée pour la communauté. À ce chapitre, je dirais que le chemin parcouru depuis mon enfance est positif. Or, le revers de la médaille est que nous perdons lentement notre culture et notre héritage. Les jeunes sont attirés par la technologie, ils regardent des vidéos, mais ils n’apprennent pas grand-chose. Et on les laisse faire.

Qu’est-ce que les 30 prochaines années réservent à Eeyou Istchee?

Les membres de notre nation vont commencer à réaliser que notre culture et notre mode de vie sont en péril. Mais je crois que nous allons renverser la vapeur et utiliser la technologie à notre avantage pour redonner vie à notre culture, notamment en aidant les jeunes à apprendre la langue crie plus rapidement. Je suis un gars optimiste; je sais que nous allons être en mesure de nous adapter à ce qui nous attend. Nous pourrions par exemple utiliser la technologie pour enseigner les sciences et les maths. C’est la direction que j’aimerais nous voir prendre, et je suis convaincu que c’est aussi ce que souhaitent nos dirigeants.

Quel rôle LGA sera-t-elle appelée à jouer au cours des prochaines années?

Grâce à LGA, nous pouvons prendre les rênes des opportunités qui s’offrent sur nos terres. La protection de notre mode de vie est désormais entre nos mains. Nous avons le contrôle sur notre nation et sur notre mode de vie; nous pourrons donc nous assurer de continuer à vivre de la terre, comme nous le faisons depuis toujours. LGA nous offre également une occasion d’instaurer des moyens de transport plus sécuritaires pour les biens et les matériaux à destination et en provenance d’Eeyou Istchee. Bref, on nous met aux commandes, et c’est une position que nous ne pouvons pas perdre. Il s’agit d’une opportunité non pas de dicter, mais de guider. C’est ce que nous pouvons faire pour les membres de notre nation et pour nous tous. J’adore mon rôle d’agent d’information communautaire; c’est pour moi une excellente occasion de continuer d’apprendre, et de pouvoir transmettre un maximum d’information à mes concitoyens.

CIOs CMM Interview

Parlez-nous un peu de vous. Quel est votre parcours et comment êtes-vous engagé dans LGA ?

Je suis un survivant des pensionnats autochtones et, à cause de cela, mon parcours a été assez atypique. À l’âge de quatre ans, lors de mon deuxième jour au pensionnat, j’ai été agressé par un homme et cela a considérablement affecté ma vie. À l’adolescence, je savais que j’avais besoin de guérison et j’ai donc entamé des études en travail social pour m’aider et venir en aide aux autres. Cette formation m’a permis de comprendre les pensées, le comportement des gens et comment m’équiper dans mon processus de guérison.

Mais le chemin de la guérison est souvent empreint de souffrances. J’ai traversé des moments très difficiles : mon mariage s’est dissous, j’ai tout perdu et j’ai vécu dans la rue pendant sept mois. Puis un jour, j’ai rencontré une femme autochtone avec qui j’ai eu la chance de converser. Elle m’a encouragé à me lancer dans l’écriture de scénario et je me suis par la suite inscrit au Collège Algonquin où j’ai obtenu un certificat dans ce domaine.

Par la suite, j’ai obtenu d’autres attestations et un diplôme correspondant à mes divers intérêts : la production musicale et sonore. J’ai également écrit un livre de nouvelles (Paths and Journeys), enregistré de la musique et suis devenu un journaliste à Radio-Canada Nord pendant quelques années.

En 2020, j’ai entendu parler de LGA et j’ai postulé pour le rôle d’agent d’information communautaire (AIC). Depuis lors, je suis au service de la communauté crie.

Pourquoi êtes-vous devenu un AIC ?

J’ai vu ce qui est arrivé à ma communauté lorsqu’elle a été déplacée dans les années 1970. Nous ne savions pas ce qui se passait, nous savions juste que certaines personnes faisaient des allées et venues et finalement, nos rivières ont été harnachées, et personne n’a demandé notre permission pour effectuer ce changement drastique. J’ai appris des leaders du passé, des personnes sages qui ont travaillé avec le gouvernement pendant la Convention de la Baie-James, qui avaient une vision et qui ont aidé à façonner ce dont avaient besoin les générations futures. Avec LGA, je réalise que rien n’est parfait, mais au moins nous, la communauté crie, avons notre mot à dire, nous pouvons pratiquer notre culture et faire entendre notre voix. Faire partie de LGA ne signifie pas que je la soutienne ou non, cela signifie simplement que je me renseigne et que je transmets les informations à ma communauté.

Quelle est la fonction de votre rôle ?

LGA en est encore à ses débuts et je suis ici pour communiquer ce que je sais. Je veux simplement renseigner les Cris et transmettre nos opinions à LGA. Par exemple, quelqu’un dans ma communauté m’a partagé que le chemin de fer qui est à l’étude passerait directement par sa maison, sur ses terres traditionnelles, s’il devait être construit. Dans ce cas, mon travail consiste à l’aider à comprendre les outils dont il dispose pour faire entendre sa voix et pour se sentir suffisamment préparé pour en parler.

Comment votre travail aide-t-il votre communauté ?

Je suis essentiellement un messager au sein de la communauté crie. Je dois les mettre au courant de ce qui se passe sur leurs terres et du développement potentiel de celles-ci. Je transmets les mises à jour au fur et à mesure que je les reçois et je communique de l’information pour que nous puissions ensemble prendre des décisions éclairées.

Quelle est la partie la plus importante de LGA à votre avis ?

La protection de notre langue et de notre culture est importante pour moi. Et notre langue est liée à la terre. La façon dont je parle le cri est différente de la façon dont les jeunes parlent le cri, parce que la façon dont nous sommes liés à la terre a changé. Il est essentiel que nous préservions notre culture du mieux que nous pouvons. En tant que communauté, nous devons être ceux qui tentent de comprendre la situation et comment la gérer.

Quelques mots pour conclure ?

Je pense que les gens doivent garder l’esprit ouvert et penser aux générations futures : que voudraient-elles ? Nous ne serons plus là lorsque certains de ces développements pourraient se produire. Nous devons donner à nos jeunes une base solide pour qu’ils puissent prendre leurs propres décisions et déterminer la direction à prendre par la suite. De la même manière que les leaders l’ont fait en 1975, alors qu’ils posaient les fondements pour qu’aujourd’hui nous puissions avancer.

La vision de Ian Diamond sur la meilleure voie à suivre pour sa communauté

Parlez-nous du consortium Vision Eeyou Istchee, responsable de l’étude de faisabilité de la Phase 1. Quel est l’objectif de l’organisation ?

Notre but est d’établir une feuille de route pour les 30 prochaines années au sein d’Eeyou Istchee et de veiller à ce que le développement, quel qu’il soit, n’ait pas d’impact négatif sur le mode de vie des Cris. Nous menons actuellement une étude approfondie et, à ce stade du processus, mon travail consiste à être ouvert aux opportunités qui se présentent. Ce qui rend ce processus unique, c’est que tout est théorique pour l’instant. Nous ne savons pas ce qui est possible, car ce niveau de développement n’a jamais été réalisé dans le Nord. Nos seuls principes pour l’étude sont d’essayer de maintenir ces idéaux traditionnels cris, de les défendre et d’être respectueux. Mais, quelles que soient les conclusions de notre étude, mon travail n’est pas de préconiser une option plutôt qu’une autre, mais de voir si oui ou non notre plan est faisable et bénéfique pour la communauté. 

Qu’est-ce qui vous a amené à vous engager dans cette organisation et cette raison d’être?

J’ai embarqué dans ce programme parce que je suis moi-même incertain de ce qui est possible, mais je suis curieux de le découvrir. Je savais que je pouvais aborder le projet d’un point de vue totalement impartial. Grâce à mon travail antérieur, j’ai développé des relations profondes avec les maîtres de trappe et je veux comprendre comment cela les touchera, comment cela touchera la majorité, les entreprises et les gens de nos communautés. 

Comment votre travail contribue-t-il à l’épanouissement des communautés ?

J’aborde toujours ce travail en me posant cette question, car s’il profite à ma communauté, il profitera aux autres. Par exemple, si nous exploitons des minéraux ici dans le Nord, comment allons-nous les acheminer vers le sud d’une manière peu coûteuse, efficace et respectueuse de l’environnement ? Au bout du compte, cette étape de l’étude vise à répondre à des questions de ce genre. 

Quel est le projet d’infrastructures locales dont les communautés ont désespérément besoin ?

Le fait d’avoir davantage de moyens de transport du nord au sud ouvrirait beaucoup d’options pour nos communautés. Il faut parfois plusieurs jours pour se rendre de Waskaganish à Montréal parce que nous n’avons tout simplement pas d’accès routier ou d’accès aérien fréquent. Cela ouvrirait également nos territoires à une plus grande activité touristique, ce qui permettrait d’injecter plus d’argent dans nos communautés et donnerait au reste du monde l’occasion de mieux comprendre notre mode de vie. 

En quoi Eeyou Istchee est-il différent d’il y a 30 ans ?  

En fait, j’ai deux ans de plus que la convention de la Baie James. Presque à la journée près. Je suis né le 12 novembre, et la convention a été signée le 11. Je me souviens de la toute première route qui a été construite dans ma communauté, qui était alors connue sous le nom de route de la Baie James. Par la suite, toutes les communautés des environs ont été reliées à cette route, rendant les déplacements plus faciles et plus efficaces. 

On observe également des changements au sein de la culture, notamment en ce qui concerne les maîtres de trappe et la chasse. Certains utilisent maintenant des outils plus modernes, leurs points d’accès aux zones de chasse se sont développés, et ce grâce aux infrastructures qui ont été construites. Quant à savoir si c’est une bonne ou une mauvaise chose, je ne me suis pas encore fait une idée, mais en tant qu’individu menant une étude sur les opportunités de développement, je crois que c’est le bon état d’esprit à avoir. 

Un siège à la table : comment la SDC protège le mode de vie et les terres autochtones dans le cadre de la grande alliance

Parlez-nous un peu de vous. Quel est votre parcours professionnel et en quoi consiste votre rôle au sein de la Nation crie?

Je suis un ancien chef de la communauté Chisasibi. J’habite Eeyou Istchee et je travaille pour la Nation crie depuis que j’ai terminé mes études. J’ai été élu au conseil de ma nation à l’âge de 24 ans, et j’en fais toujours partie.

Comme j’ai étudié en économie, j’ai été directeur financier de la Nation pendant plusieurs années. J’ai ensuite travaillé pour une firme de construction locale détenue par la communauté. Deux ans plus tard, à l’âge de 29 ans, je suis devenu directeur des opérations, poste que j’ai conservé pendant neuf ans.

Je suis fier d’avoir été élu chef de ma communauté en 2012. Je suis demeuré en poste pendant huit ans. En raison de mon expérience au sein de la Nation crie, j’ai été approché par la communauté pour diriger un nouveau projet dans le cadre de La Grande Alliance : la Société de développement crie (SDC).

Pouvez-vous nous décrire la SDC dans vos propres mots?

La fonction première de la SDC est d’être un instrument d’investissement, mais en réalité, elle est bien davantage.

La SDC joue un rôle essentiel tant pour le développement économique que pour nos collectivités. Pendant beaucoup trop longtemps, nous avons été exclus de la prise de décisions sur le développement de nos propres terres.

La Grande Alliance et la SDC permettent à nos collectivités de décider à quel moment et à quel endroit les projets de développement devraient être mis en œuvre sur notre territoire. Elles nous aident également à assurer la pérennité de notre mode de vie traditionnel et à protéger les régions importantes de nos terres. Je suis extrêmement fier du travail que nous réalisons.

Comment Eeyou Istchee a-t-elle évoluée au fil des années?

Par le passé, bien avant la création de La Grande Alliance, plusieurs projets de développement ont été introduits sur notre territoire sans aucune forme de consultation, ce qui a entraîné des tensions entre les communautés autochtones et les promoteurs. Craignant des dommages irréversibles à leur territoire, plusieurs collectivités ont commencé à s’opposer au développement.

Toutefois, je constate aujourd’hui une certaine évolution des mentalités quant à l’importance de la création d’emplois à l’échelle locale. Les jeunes sont de plus en plus nombreux à manifester de l’intérêt pour le travail dans les mines. Face à ce désir et ce besoin de travailler, davantage de collectivités permettent aujourd’hui les projets de développement minier parce qu’elles savent que des ententes sont désormais en place pour assurer une exploitation plus durable des ressources.

En nous impliquant dans la protection du territoire, nous honorons notre devoir envers les futures générations, tout en bénéficiant de la création d’emplois et de revenus résultant du développement responsable des ressources. Sentir que nos préoccupations et nos intérêts sont pris en compte représente un pas important dans la bonne direction pour nous en tant que Nation. Les membres de nos communautés dépendent des emplois pour gagner leur vie, mais souhaitent également pouvoir conserver leur mode de vie traditionnel.

Comment espérez-vous voir Eeyou Istchee évoluer au cours des 30 prochaines années?

Au niveau communautaire, nous avons besoin d’emplois intéressants à l’année. La majorité des emplois offerts sur notre territoire sont des emplois saisonniers dans le secteur de la construction. Mais prenons l’exemple d’un projet d’exploitation minière qui s’échelonnerait sur 15, voire 20 ans. Celui-ci donnerait aux travailleurs les moyens d’acheter une maison et de la payer. Lorsqu’on investit dans les infrastructures, on favorise le développement. En travaillant avec ces industries, nous pouvons conjuguer le développement économique et la protection de ce qui nous appartient.

Que signifie pour vous la création de La Grande Alliance?

Grâce à la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) et le travail que nous réalisons dans le cadre de La Grande Alliance, nous pouvons maintenant prendre les rênes du développement de notre territoire. C’est ce qui m’a motivé à accepter le poste que j’occupe aujourd’hui. Travailler directement avec le gouvernement du Québec nous donne la voix dont nous avions désespérément besoin pour décider de ce qui a lieu sur notre territoire aujourd’hui, et pour les générations futures.

La Grande Alliance nous permet de prendre soin de notre territoire et de trouver l’équilibre entre protection et développement. La beauté de cette entente réside dans le fait qu’elle offre aux générations futures l’opportunité de choisir entre l’adoption du mode de vie traditionnel ou la participation à l’économie salariale. Cette capacité de choisir est un atout puissant, auquel la Nation crie a assurément droit.